Amlet : « Je fais de la musique pour éveiller, pour unir et pour transmettre »


31 octobre 2025

Rappeur, chanteur et producteur, Amlet incarne une génération d’artistes passionnés, sincères et engagés. Né à Gamba, il a bâti son parcours entre indépendance, spiritualité et amour de la culture. Rencontre avec un artiste authentique, humaniste et visionnaire.

Amlet, comment êtes-vous entré dans le monde du rap, et quelles ont été vos premières inspirations ?

J’ai commencé à la fin des années 90. À cette époque, à Gamba, il n’y avait pas de studio d’enregistrement, donc c’était très difficile de concrétiser un projet. Ma passion grandissait, alors j’ai décidé de partir à Port-Gentil, puis à Libreville, où j’ai enfin pu fréquenter de vrais studios vers 2005. J’ai été beaucoup influencé par Tupac, IAM et MC Solaar. Ce sont eux qui m’ont donné envie d’écrire, de raconter des histoires vraies. Au Gabon, c’est le groupe V2A4 qui m’a fait découvrir le rap local. C’est à cette période que j’ai sorti mon premier maxi-single, Cher Compatriote, en 2006. Malheureusement, il a été censuré dès sa première diffusion à la radio, car il dénonçait certaines injustices politiques. Mais ça ne m’a pas découragé. Au contraire, ça m’a prouvé que mes mots pouvaient avoir un impact.

Après cette période, comment votre parcours a-t-il évolué ?

Après Cher Compatriote, j’ai continué à travailler. En 2009, j’ai participé à une compilation appelée Hip Hop Connection, montée par le producteur gabonais X1, avec des artistes comme Johnny B. Goode, Do et Crash. C’était une belle aventure collective. Puis, pour des raisons professionnelles, je suis retourné à Gamba en 2010. Là, il n’y avait toujours pas de structures musicales, donc je me suis concentré sur l’écriture et la scène locale avec les jeunes du coin. En 2012, j’ai décidé d’aller plus loin en apprenant la production musicale et la musique assistée par ordinateur (M.A.O.), notamment avec FL Studio. J’ai travaillé seul, chez moi, puis avec Mastawipo, un ingénieur du son de Gamba.

Vous êtes à la fois artiste et producteur. Comment cette double casquette influence-t-elle votre travail ?

Elle m’a rendu plus libre. En apprenant à produire moi-même, j’ai pu créer sans dépendre de personne, et surtout accompagner d’autres jeunes talents. Je veux que Gamba devienne un espace d’expression pour la jeunesse. Aujourd’hui, j’ai du matériel et je monte un studio que je mettrai bientôt à disposition des jeunes. Beaucoup ont du talent ici, mais ils manquent d’encadrement. Mon objectif, c’est qu’ils puissent être entendus, que leurs voix sortent du silence.

Votre chanson « Ni Sa kippi » a marqué les esprits. Quelle est son histoire ?

« Ni Sa kippi » est ma première chanson entièrement en langue locale. Au départ, je voulais juste faire un morceau léger, mais le public a adoré. Elle est devenue l’hymne du département de Ndougou ! Ce succès m’a convaincu de continuer à chanter dans ma langue. C’est une manière pour moi de valoriser notre culture et de montrer que nos langues ont une puissance émotionnelle incroyable.

Vos textes abordent souvent la spiritualité, l’amour et la justice. D’où vient cette dimension humaine et philosophique ?

Ma musique reflète ma vision de la vie. La spiritualité, pour moi, ce n’est pas la religion : c’est la quête du soi, la connaissance de qui on est vraiment. Beaucoup cherchent les solutions à leurs problèmes ailleurs, alors qu’elles sont déjà en eux-mêmes. Je pense aussi qu’il faut revaloriser nos spiritualités africaines. J’ai beaucoup appris en écoutant les anciens de Gamba. Et puis, je parle souvent d’amour et de justice, parce que le monde en manque cruellement. À travers mes chansons, j’essaie de rappeler que le changement commence par soi-même.

Vous évoquez souvent Gamba comme un “petit paradis”. Qu’est-ce que cette ville représente pour vous ?

Pour moi, Gamba, c’est le Gabon en miniature. C’est un endroit plein de richesses, mais aussi de contradictions. On a tout ici pour vivre bien, mais les ressources ne profitent pas à tout le monde. Il y a de la corruption, du favoritisme, et les institutions sont parfois gérées comme des entreprises familiales. Malgré tout, Gamba reste une terre de beauté, de culture et d’espoir. C’est ici que j’ai tout appris, et c’est ici que je veux redonner.

Si vous deviez résumer votre identité artistique en quelques mots ?

Je dirais humaniste, sincère, engagé, authentique et visionnaire. Je ne fais pas de la musique pour suivre une mode. Je fais de la musique pour éveiller les consciences, unir les gens et transmettre une énergie positive. Si mes chansons touchent ne serait-ce qu’une personne, alors j’ai réussi.

 

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